Saisie immobilière : l’appel du jugement d’orientation à l’honneur
Publié le :
20/07/2021
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Par un récent arrêt (Civ. 2e, 4 mars 2021, n° 19-22.193, F-P : Dalloz actualité 15 mars 2021, obs. F. Kieffer ; Procédures mai 2021, 133, comm. Ch. Laporte ; Gaz. Pal. 15 juin 2021, obs. Cl. Brenner), la deuxième chambre civile apporte deux précisions d’importance sur l’appel du jugement d’orientation en saisie-immobilière. L’une porte sur la recevabilité de la contestation portant sur l’assignation à l’audience d’orientation, formulée pour la première fois en appel par un débiteur non comparant en première instance. L’autre intéresse la portée de l’effet dévolutif en cas d’assignation irrégulière.
Dans cette affaire, le créancier poursuivant avait fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, puis avait assigné le débiteur à une audience d’orientation. Le débiteur ne comparaît pas et l’audience d’orientation se solde par un jugement ordonnant la vente forcée des biens saisis. Le saisi interjette appel. A hauteur d’appel, il demande à la cour d’appel de Lyon qu’il lui plaise, notamment, prononcer la nullité du commandement de payer, de l’assignation à l’audience d’orientation – et de l’ensemble des actes subséquents, dont le jugement d’orientation. La cour d’appel accueille l’ensemble de ces demandes. Le créancier forme un pourvoi – qui donne l’occasion à la Cour de cassation de rappeler quelques points fondamentaux sur moyen relevé d’office.
La première précision porte sur la recevabilité de la contestation formée pour la première fois en appel et qui porte sur la régularité de l’assignation. Il est vrai que le célèbre article R. 311-5 du CPCE semble s’y opposer : « A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte. » Cet article procède d’une logique connue de concentration et on sait la rigueur avec laquelle il est mis en œuvre par les juridictions du fond, sur l’injonction du juge de cassation : la règle, exclusive de l’article 566 du CPC de droit commun (Civ. 2e, 31 janv. 2019, n° 18-10.930), s’applique à toutes les parties appelées à l’instance, y compris le créancier (Civ. 2e, 22 juin 2017, n° 16-18.343 : Civ. 2e ; 14 nov. 2019, n° 18-21.817). Elle s’applique quand bien même le débiteur, régulièrement assigné, ne comparaît pas (Civ. 2e, 11 mars 2010, n° 09-13.312). Quoique sévère, la règle est jugée conforme aux exigences du procès équitable (Civ. 2e, 17 nov. 2011, n° 10-26.784). Sous une réserve, que la Cour rappelle dans le présent arrêt : « statuant en appel d’un jugement d’orientation, la cour d’appel est tenue d’examiner, au préalable, le moyen présenté par le débiteur saisi qui n’avait pas comparu à l’audience d’orientation, tendant à la nullité de l’assignation qui lui avait été délivrée pour cette audience » (pt. 5 ; v. ant. Civ. 2e, 10 févr. 2011, n° 10-11.944 & 10-11.946). La conventionalité de l’article R. 311-5 du CPCE tient à cette précision, que la Cour réitère donc opportunément (nota bene : la constatation de la péremption du commandement de payer valant saisie peut aussi être requise pour la première fois en appel, alors même que la péremption était déjà acquise avant l’audience d’orientation : Civ. 2e, 18 oct. 2018, n° 17-21.293).
La seconde précision, opérée au visa de l’article 562 du CPC, porte sur l’effet dévolutif de l’appel en cas d’assignation irrégulière : « en cas d’annulation du jugement d’orientation découlant de la nullité de l’acte introductif d’instance, la dévolution ne s’opère pas pour le tout, de sorte que la cour d’appel ne peut pas statuer sur une demande tendant à l’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière. » (pt. 6). C’est là l’originalité de l’arrêt (v. ant. Civ. 2e, 10 févr. 2011, n° 10-11.944), qui tire, en matière de saisie immobilière, les conséquences d’un principe connu en matière d’appel-nullité de droit commun (Civ. 2e, 7 mars 1984, n° 82-12.804 ; Civ. 2e, 5 déc. 1979, n° 78-10.497 ; Civ. 1e, 18 déc. 1996, n° 94-16.332). Joignant l’acte à la parole, la Cour montre la voie en statuant au fond, faisant application des articles L. 411-3, al. 2 du COJ et 627 du CPC : après avoir cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, elle prononce l’annulation de l’assignation à l’audience d’orientation et, en conséquence, du jugement d’orientation entrepris sur sa base ; puis dit n’y avoir lieu à statuer sur les autres demandes. Qu’advient-il du commandement de payer ? Soit il s’éteindra de sa belle mort par l’effet d’une caducité (art. R. 311-11 CPCE), soit son sort sera fixé à l’occasion d’une audience d’orientation recommencée (v. obs. de Cl. Brenner préc.). Il n’y a en tout cas pas lieu, pour la cour qui annule le jugement d’orientation à raison d’un vice affectant l’introduction de l’instance, de se prononcer sur le commandement de payer ayant initié la procédure.
Maxime BARBA
Maître de conférences en droit privé, Université Jean Moulin Lyon III
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